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Sports d’hiver à Lavaltrie dans les années 1930-1940
Par Guy Martineau, né à Lavaltrie en 1931, citoyen de Rimouski depuis 1960

Municipalité de quelque 1,100 habitants se relevant péniblement de la grande crise de 1929, Lavaltrie n’avait pas vraiment les moyens de se préoccuper des activités de loisirs durant ces années 1930-1940. Gros problème pour les parents : que faire de cette marmaille qui se multipliait allègrement d’une année à l’autre ? Pas d’aréna, pas de piscine, pas de gymnase et même pas de patinoire externe publique certaines années. Et surtout pas de télévision qui n’est apparue qu’en 1952.

Une seule solution possible, la même dans toutes les familles : Les enfants ! Allez jouer dehors ! Et ça marchait. Je ne surprendrai personne en prétendant que, dans ces années-là, les enfants étaient, en général, plus actifs physiquement qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Glissades en traineau ou en traine-sauvage, selon le vocabulaire du temps, dans les pentes douces à l’arrière des maisons, sur la rive du fleuve ou encore sur les énormes bancs de neige poussés de chaque côté des routes et des entrées de cours. Populaire également, la construction de forts servant parfois à des batailles aux balles de neige. Les skieurs, eux, se comptaient sur les doigts d’une seule main et ils étaient peu actifs, à défaut de pentes valables.

La rue principale étant déneigée sans souffleuse ni calcium, il y restait toujours une couche de glace qui, malgré ses irrégularités, pouvait servir au patinage et même au hockey, parfois avec une crotte de cheval gelée qui, sur ce fond de glace inégal, se maniait plus facilement qu’une rondelle conventionnelle. Des patineurs audacieux réussissaient parfois à déjouer l’attention d’un automobiliste et à s’accrocher à l’arrière de son véhicule pour se rendre à l’autre bout du village, quitte à voir apparaitre quelques étincelles quand la lame du patin touchait un petit bout d’asphalte. Attention, il ne fallait pas parler aux parents de cette dernière activité, marginale, interdite et rare tout de même… ça restait entre nous.

En somme, durant ces années 1930-1940, les deux principales activités sportives d’hiver à Lavaltrie étaient le patinage et le hockey et ce dernier était, à l’époque, strictement réservé aux gars. Malheureusement, certaines familles n’avaient pas les moyens de fournir des patins à leurs enfants et, certaines années, il n’y avait pas de patinoire externe paroissiale. Il y avait bien, sur le terrain appartenant à M. Ostiguy et situé en arrière de l’emplacement du bureau de poste actuel, un «rond éclairé» ouvert au public, accessible aux patineuses-patineurs en retour d’une somme minime, mais le hockey y était interdit.

Certains parents préparaient et entretenaient une patinoire dans leur cour spécialement pour nous, les «hockeyeurs» qui, même dans ces années-là, rêvions à la Ligue Nationale de Hockey dont nous suivions les activités par la radio et le journal. J’ai retrouvé deux photos de joueurs en action dans la cour de M. Latour, père de mes amis Gérard, Maurice, Réal et Donald. On m’y reconnait avec mon chandail et ma tuque aux couleurs des Black Hawks de Chicago, que j’avais choisis pour cadeau de Noël parce que mes joueurs préférés étaient les frères Bentley, Max et Doug, deux petits joueurs très habiles et toujours parmi les meilleurs compteurs de la LNH. Mon rêve de suivre l’exemple des frères Bentley fut de très courte durée, ne dépassant pas mon adolescence, faute du talent minimal requis pour aller plus loin.

Peut-être d’autres se reconnaitront-ils sur ces photos? Parmi les joueurs de mon âge, il y avait en plus des Latour, des Villeneuve, Breault, Moreau, Boisjoly, Racine et autres.

 

 

 

Je me souviens aussi que, lors d’une de ces années sans endroit pour le hockey, nous avions réussi, avec l’aide de quelques adultes, dont mon oncle Émile Martineau, – qui est peut-être le joueur en pantalons sur la seconde photo – à nous dégager une patinoire sur la glace du fleuve. Un trou creusé et entretenu à proximité nous permettait d’y puiser l’eau pour refaire notre surface de jeu au besoin. Que d’efforts mais que de plaisir !

Autre souvenir précieux : une joute de hockey que nousétions allés disputer à Contrecoeur en voiture à cheval au début d’un mois de janvier alors que le fleuve venait de geler. Émile Gladu, pêcheur professionnel pour qui le fleuve n’avait pas de secret, guidait le cheval en le précédant de plusieurs pieds et en sondant la glace avec une hache.

Seuls les plus vieux ou les moins jeunes se souviendront que, à l’époque, le chenal des bateaux n’étant pas entretenu, le fleuve gelait complètement d’une rive à l’autre et permettait sa traversée, même en automobile, au milieu de l’hiver. Nous avions probablement perdu car je ne me souviens pas du score de cette joute à Contrecoeur mais je me rappelle que, ce jour-là, certains de nos joueurs voyaient pour la première fois une patinoire avec des lignes peinturées sur la glace.

De 1930 jusqu’à l’après-guerre 39-45, ce fut une période difficile au plan financier pour toutes les municipalités, y compris celle de Lavaltrie, les budgets consacrés aux loisirs s’en trouvaient réduits au strict minimum, sinon nuls. Malgré cela, je conserve de merveilleux souvenirs de mes hivers d’enfance. Grâce notamment au judicieux conseil de nos parents « d’aller jouer dehors ».

Rimouski, le 19 septembre 2018