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AVRIL 2023

LE TRESSAGE DE LA PAILLE

     Une fois passées les festivités du « temps des fêtes », la vie dans la campagne laurentienne d’antan reprenait son rythme ralenti. Retranchés dans la maison, les hommes s’adonnaient à des travaux de bricolage et d’artisanat. Les femmes s’étaient également réservé pour cette période annuelle « d’encabanement » une myriade de travaux d’intérieur: tricotage, tissage, filage, couture, tressage de la paille. Cette dernière activité, d’ailleurs fort pittoresque, permettait aux ménagères d’autrefois de fabriquer elles-mêmes les chapeaux pour tous les membres de la maisonnée. Dans certains cas, ce travail occasionnel pouvait devenir une source de revenus, toujours appréciés à une époque où l’argent était plutôt rare.

La ménagère : chapelière habile

     Voici à peu près comment nos aïeules s’y prenaient pour transformer la paille de blé, la meilleure selon elles, en ces jolis chapeaux si populaires au siècle dernier.

     L’opération commençait en été, plus particulièrement durant la période des moissons. C’est en effet à ce moment-là que la fermière se rendait dans les champs de blé pour choisir, couper et mettre de côté les plus belles tiges. Réunies en une grosse gerbe, celles-ci étaient ensuite accrochées quelque part dans un des bâtiments de la ferme où elles séchaient lentement et doucement. À certains endroits, les fermières procédaient un peu différemment : plutôt que d’aller aux champs pour effectuer leur sélection, elles préféraient se rendre à la grange où le fruit de la moisson avait été soigneusement entassé.

     La deuxième étape, soit le tressage proprement dit de la paille, se déroulait par les soirs d’hiver. Quelques heures avant de commencer, la fermière mettait à tremper les pailles de blé dans un seau d’eau bien froide, ceci afin d’amollir les tiges. Si elle voulait obtenir une teinte particulière, elle devait ajouter dans l’eau différentes décoctions. Ainsi, la couperose et l’écorce d’aulne donnaient une teinte noire. Une décoction de foin et de couperose, la couleur brune. Du bois des Îles, le rouge. Pour le vert, il fallait utiliser des pelures d’oignons.

     Puis, s’installant sur sa petite chaise canadienne, l’ouvrière commençait à entremêler soigneusement les brins selon une méthode qu’elle avait sûrement apprise d’une ancienne. Ainsi, selon la largeur de la pièce désirée, elle tressait les brins en sept, neuf ou onze. En un rien de temps, les lisières de paille tressée s’accumulaient aux pieds de l’ouvrière. Ces lisières étaient ensuite réunies et cousues avec du gros fil. C’est au cours de cette dernière opération que les chapeaux prenaient forme. Un petit essayage sur la tête du futur propriétaire. Et le tour était joué.

Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca