MARS 2023
LA VISITE DE PAROISSE
Dans la plupart des paroisses du Québec, cette grande tournée se déroulait à la discrétion du curé durant l’Avent.
Annoncée à l’avance au prône du dimanche, cette visite était perçue comme un grand honneur par l’ensemble des paroissiens. Ceux-ci s’y préparaient fébrilement et ce, de plusieurs façons.
D’abord, on déclenchait l’opération « grand ménage ». Chaque pièce de la maison jusque dans ses moindres recoins était balayée, lavée, polie au point de ressembler à un grand miroir. On démontait le métier à tisser qui encombrait un coin important de la cuisine. Une pièce en particulier faisait l’objet d’une attention plus minutieuse : la grande chambre ou salon qui demeurait fermée presque toute l’année. Sauf quand l’occasion sortait de l’ordinaire. Ce qui était le cas pour la visite de M. le curé. On enlevait les housses qui couvraient les différents meubles et on promenait le plumeau sur les fauteuils, tables et armoires qui s’y trouvaient.
Il était également d’usage de souligner la visite de l’éminent personnage en préparant pour lui et sa suite un repas d’apparat. Donc parallèlement au grand remue-ménage qui mettait sans dessus dessous toutes les pièces de la maison, s’organisait autour des fourneaux un véritable marathon culinaire. Rien ne serait trop bon pour le saint homme.
Les jeunes de la maison entraient également dans la ronde des préparatifs mais à leur façon. Ils savaient que M. le curé tenterait de vérifier leur degré de connaissance du catéchisme. Alors dans les jours qui précédaient immédiatement sa visite, ils s’affairaient à apprendre par cœur les questions et réponses du livre pieux.
Arrivait enfin le jour si attendu. Accompagné des trois marguillers traditionnels, M. le curé s’amenait en berlot jusqu’à la porte de l’habitation. Averti par le tintement des clochettes, le père de famille, endimanché pour l’occasion, sortait sur le seuil de la maison pour accueillir les visiteurs. Dès que le prêtre pénétrait dans le foyer, tout le monde tombait à genoux pour recevoir sa bénédiction. Le moment d’après, le pasteur tendait la main à chacun des membres de la famille.
La visite de paroisse comportait deux volets. L’un plus officiel au cours duquel l’ecclésiastique tentait de mieux connaître les besoins spirituels de chacun, procédait au recensement officiel de ses ouailles, bénissait les objets pieux, offrait des médailles et posait les questions de catéchisme si appréhendées par les jeunes.
Un honneur et une joie
Cette partie se concluait par les offrandes. À ce moment-là, la mère de famille présentait au curé quelques pièces de monnaie. Cette obole s’accompagnait aussi de différents objets destinés, comme on disait, à l’Enfant-Jésus dont ce serait la fête bientôt. Ces objets différaient selon les familles. On donnait des chandelles pour éclairer l’église et le presbytère, des pièces d’étoffes du pays, de menus objets domestiques, du tabac, etc.
Le deuxième volet, celui-là moins officiel, s’amorçait alors. Après avoir entendu les remerciements du curé, on passait le plateau de beignes et la carafe de rhum ou encore, si c’était l’heure du repas, l’on s’attablait pour faire honneur à la ribambelle de plats mijotés par la maîtresse des lieux.
Profitant de l’atmosphère plus détendue, le curé s’enquérait alors de la santé et des projets da chacun, sollicitait un commentaire sur un sujet de son choix et écoutait avec bonhomie les histoires et les conversations du groupe.
Ainsi de maison en maison, de rang en rang, le curé en arrivait à voir tout son monde juste avant la période des fêtes. Si par contre la température l’empêchait de terminer sa tournée tel que prévu, il reprenait son expédition vers la fin de janvier.
Lorsque la dernière famille avait été vue, le curé, à son tour, invitait les marguillers, ses fidèles compagnons de voyage, à venir souper au presbytère. Quelques semaines plus tard, les paroissiens apprenaient au prône de la grand-messe du dimanche à combien s’élevait maintenant la population de la paroisse.
Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca