Histoire de la petite Maison de Rosalie Cadron (Lavaltrie)
La Maison Rosalie-Cadron est un petit joyau préservé dans la Ville de Lavaltrie, situé dans la région de Lanaudière. Cette préservation relève de plusieurs personnes et organismes qui ont permis sa sauvegarde, sa restauration et son animation.
La Maison, construite vers 1790 dans la Seigneurie de Lavaltrie, aurait précédemment appartenu aux parents de Rosalie Cadron. En effet, le 19 novembre 1811, soit près de deux mois après le mariage de Jean-Marie Jetté et Rosalie Cadron, ils leur font don de la résidencei située face au fleuve Saint-Laurent en bordure du Chemin du Roy. À l’origine, celle-ci était localisée sur le lot no 3 devenu le lot no 5 au cadastre de Lavaltrie depuis 1888. Les recherches de Mme Albertine Ferland-Angers effectuées durant quatre ans (1961-1965) permettent de confirmer qu’elle est bien celle de la famille et du couple Cadron-Jetté ii qui vend tous ses biens de Lavaltrie à Joseph Bourdon et à son épouse Marie-Louise Prud’homme le 28 mai 1822. Le contrat de vente est rédigé devant le notaire Barthélemy Joliette qui mentionne que la vente comprend : 1) une terre de 3 arpents de front sur 20 arpents de profondeur, bâtie de maison, grange et autres bâtiments; 2) un autre terre de 3 arpents de front sur 20 arpents de profondeur sans aucun bâtiment dessus; 3) y compris la donation de quelques meubles de ménage, hardes et linges de la veuve de Antoine Cadron dit St-Pierre. Soucieux d’aménager à proximité de leurs enfants, le couple avait décidé de quitter Lavaltrie, les terres le long du fleuve Saint-Laurent y étant toutes occupées.iii
À l’époque, la Municipalité de Saint-Antoine-de-Lavaltrie, sous le maire Pierre Kemp, obtient la Maison ancestrale pour 1$ de M. Jean-Paul Boisjoly et la déplace vers son site actuel. L’administration de la Paroisse est alors heureuse de veiller à la sauvegarde de la Maison avec la participation de la famille Hervieux, de Claude Tétreault et de la Congrégation des Sœurs de la Miséricorde. La maison est déménagée vers 1996. Au grand bonheur des Sœurs, qui sont les instigatrices de la démarche visant à éviter sa démolition, elle sera alors placardée et déposée sur un solage de béton.
Au tournant des années 1999 et 2000, un comité de la Paroisse est créé afin de réfléchir à l’avenir de la Maison qui sera relégué au second plan lors de la fusion des municipalités de Lavaltrie. Bien que l’extérieur de la Maison soit bien préservé, l’intérieur est malheureusement en piteux état. La municipalité envisage à l’époque sa revalorisation par l’intermédiaire de projets tels une halte routière ou un bureau touristique.
En 2001, les municipalités du Village et de la Paroisse forment la nouvelle Ville de Lavaltrie, que nous connaissons aujourd’hui. La nouvelle entité doit décider de l’avenir de deux joyaux historiques, à savoir la Maison Lefebvre et la Maison Rosalie respectivement situées anciennement dans le village et dans l’ancienne Paroisse. Le dossier de la fusion municipale et la récente négociation de l’achat de la Maison Lefebvre entraînent un désintérêt de la part des autorités municipales pour la Maison Rosalie.
Peu après la mise en place de la nouvelle Ville fusionnée, la mairesse Sylvie Thouin ordonne en 2003 la destruction de la petite laiterie derrière la Maison, ce qui présage malheureusement la démolition de celle-ci. Cela étant, certains élus municipaux s’interrogent au sujet de la sauvegarde tant de la Maison Rosalie que de la Maison Lefebvre, qui représentent pourtant une grande valeur patrimoniale.
La Maison doit faire face une seconde fois au risque d’une démolition lorsque le conseiller municipal David Morin décide de placer son véhicule entre la Maison et une pelle mécanique. Devant cette situation délicate, l’entrepreneur se résout à rejoindre la Ville afin de dénouer l’impasse. À ce moment, le conseiller Morin obtient de la part de la mairesse Sylvie Thouin le mandat d’organiser la mise en place d’un organisme de même qu’un comité de citoyens et de chercher aussi du financement.
En 2003 et 2004, le conseiller rencontre Mme et M. Picard qui pourraient s’intéresser à la sauvegarde de la Maison. Il explique que celle-ci vient d’échapper à une seconde destruction. Monsieur Picard précise que le témoin de l’origine de la Maison demeure incontestablement la laiterie qui a subi peu de modifications au fil des ans. M. Morin prend également contact avec la Congrégation des Sœurs de la Miséricorde afin de leur apprendre qu’un comité pourrait être mis en place afin de restaurer la Maison et l’animer. Dans les circonstances, les Sœurs annoncent qu’elles sont prêtes à contribuer financièrement au projet.
Ces rencontres fructueuses permettent de jeter les bases de l’organisme qui portera le nom de la Corporation de la Maison Rosalie-Cadron. Un conseil provisoire voit le jour le 12 mars 2005, qui sera composé de Michelle Picard, Yvon Delorme, Sœur Gisèle Boucher, Claude Tétreault, Robert Picard, Jean-Guy Piette curé de Lavaltrie et David Morin. Au même moment, la Ville de Lavaltrie, dirigée par le maire Pierre Marois, annonce un protocole d’entente par lequel la Ville confie à la Corporation le mandat de restaurer et animer la maison patrimoniale. Monsieur Robert Picard est nommé président de la Corporation.
Les travaux de restauration débutent dès l’hiver 2005. La Maison ayant été placardée durant près de 10 ans, elle nécessite plusieurs mois de travaux importants. Des bénévoles venant de partout et particulièrement de Lavaltrie participent aux différentes corvées. De la toiture au sous-sol, la Maison est entièrement rénovée. Elle a comme mission de faire connaître la vie de Rosalie et son travail auprès des filles mères.
En 2006, la Corporation tient sa première Assemblée générale dans la Maison Rosalie fraîchement rénovée. Les principaux bailleurs de fonds prennent dès lors connaissance de la restauration de la Maison dont l’ameublement est complété grâce à la générosité des antiquaires Claude Tétreault et Robert Picard.
Le 28 mai 2006, la Maison ouvre ses portes au grand public. L’événement attire près de 450 personnes. Le 9 septembre 2006, elle est bénite par Monseigneur Lussier. Mme Picard en devient la directrice et la responsable de l’animation. Elle joue efficacement ce rôle durant plusieurs années, met en place un musée et présente en collaboration avec les Sœurs de la Miséricorde plusieurs artéfacts liés à la vie de Rosalie ainsi qu’au patrimoine de Lavaltrie. Elle organise une multitude d’événements avec plusieurs organismes en vue de promouvoir la Maison. Madame et Monsieur Picard, qui ont joué un rôle majeur dans la mise en valeur de la résidence, y demeurent très impliqués jusqu’à leur décès respectif.
La Maison de Rosalie, témoin silencieux de son œuvre, a survécu au passage du temps. Certains diront qu’il s’agit d’un petit miracle, d’une occasion de faire découvrir l’œuvre de cette femme et son dévouement auprès des filles mères. La restauration et l’animation de la Maison Rosalie-Cadron sont redevables à plusieurs personnes qui ont été très certainement touchées par la bonté de Rosalie Cadron. Cette maison, qui a vu naître Rosalie et est demeurée la maison familiale du couple Cadron-Jetté, témoigne également de la manière de vivre à cette époque et de l’histoire de Lavaltrie.
i POSITIO, Dossier sur les vertus et la renommée de sainteté, Volume 1, ROME 1994, page 41.
ii Ibid.
iii POSITIO, Dossier sur les vertus et la renommée de sainteté, Volume 1, ROME 1994, page 47.