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FÉVRIER 2023

LES JOURS GRAS

      Du 6 janvier (le jour des Rois) jusqu’au mardi précédent le début du Carême, nos ancêtres célébraient ce qu’ils appelaient « les jours gras ». C’était une période où on visitait parents et amis et où l’on festoyait ensemble. Surtout le soir du mardi gras.

     Bien tassée dans les carrioles, protégée du froid par des « capots » en drap ou en « chat sauvage », coiffée de tuques ou de bonnets, enrubannée de « crémones » en laine, « la visite » s’amenait au son des grelots. Rendus à destination, les femmes et les enfants se faufilaient rapidement dans la maison et se rassemblaient autour du poêle ou « dansait » une bonne attisée de quartiers en bois d’érable. Le maître de la maison leur servait le petit « coup de fort » pour leur « réchauffer le sang ». Alors s’engageait le rituel traditionnel des visites.

     D’abord on « jasait » : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Pendant que les enfants « couraillaient » à droite et à gauche. Puis venaient les danses, nombreuses et bien rythmées accompagnées par l’infatigable violoneux. Un temps d’arrêt pour une « chanson à répondre » et la farandole reprenait de plus belle.

Avant d’entrer en Carême, on se visitait et on festoyait

     À l’heure du souper, on dressait d’immenses tables de fortune qui se garnissaient de volailles, de ragoût, de pâtés de viandes au fumet des plus émoustillants. Après avoir fait honneur aux plats de leur hôtesse, les visiteurs entonnaient d’autres chansons. Pareil exercice asséchant la gorge, les « tournées de fort » ou de bière d’épinette se suivaient à un rythme soutenu. Les danseurs reprenaient le plancher et la veillée se poursuivait jusque tard dans la nuit.

     Le soir du mardi gras, les tables étaient particulièrement bien garnies, et le souper s’étirait plus longtemps que d’habitude. On se permettait quelques excès car, à partir de minuit, il fallait se serrer la ceinture et ce, pour toute la durée des quarante jours de Carême à venir.

     Durant la journée et la soirée, c’était la coutume d’avoir la visite des « mardi gras ». Il s’agissait de personnes qui s’affublaient de vêtements bizarres et colorés, et qui cachaient leur visage derrière des masques comiques ou terrifiants. Ils allaient de porte en porte, dansant, mangeant et buvant.

     À la ville on fêtait beaucoup moins. Malgré tout, cette période de l’année a donné naissance à une festivité qui se perpétue encore : le carnaval.

     Vers les années 1870 s’organisa, à Montréal, le premier carnaval. Il débuta par l’ouverture d’un grand palais de glace illuminé à l’aide d’ampoules électriques : une nouveauté qui fit courir le monde à cette époque. On avait mis au point, également, un impressionnant jeu de montagnes russes, qui permettait aux traîneaux de glisser sur de très longues distances.

     Au même programme, on retrouvait de longues promenades en traîneaux, en carriole, la course des cloches, des processions aux flambeaux, des courses de chevaux, des amusements pour les patineurs, des concours de curling, un grand concert donné par un club de raquetteurs en costume d’occasion.

     Le clou de toutes ces activités était une mascarade qui se déroulait sur un gigantesque « rond à patiner », de même qu’un grand bal donné dans un des meilleurs hôtels de la ville.

     Les festivités des jours gras prenaient fin à minuit le soir du mardi gras. Alors commençait la période traditionnelle du grand jeûne du Carême, qui ne connaissait son dénouement qu’avec la célébration de Pâques.

     Le premier jour de Carême, le mercredi des cendres, on allait à l’église pour recevoir « les cendres », une petite croix de suie noire que le prêtre traçait sur la tête de chacun, en lui rappelant qu’il était poussière et qu’il retournerait poussière.

Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca