NOVEMBRE 2022
TRÉPAS ET FUNÉRAILLES
La mort prochaine d’un parent ou d’un ami déclenchait dans nos paroisses d’antan un extraordinaire mouvement de sympathie et de solidarité.
Sans tarder, une âme intrépide filait au grand galop vers le presbytère pour aller demander au curé de venir administrer les derniers sacrements à l’agonisant et l’aider à se préparer à « la bonne mort », comme on disait. Le prêtre s’amenait rapidement.
Arrivé sur place il s’entretenait seul à seul un bon moment avec le malade. Après avoir récité avec lui des prières pour implorer la pitié et le secours de la Providence, le pasteur l’aidait à faire une confession générale de ses fautes passées et à exprimer son repentir et sa contrition. Élevant ses mains au-dessus de la tête du malade, le prêtre lui donnait alors l’absolution et une pénitence symbolique.
Cette étape terminée, les membres de la famille du malade pouvaient revenir s’agenouiller autour de son lit. Le prêtre amorçait à ce moment la deuxième partie du cérémonial : diverses bénédictions, aspersions, onctions, invocations et oraisons auxquelles se joignait l’assistance. Puis, sortant une hostie d’une petite lunule suspendue à son cou, le prêtre donnait la communion au mourant. Les prières, les invocations et les hymnes se poursuivaient ainsi jusqu’à son dernier soupir. Évidemment, il arrivait que le malade ne décédait pas lors de cette cérémonie. Le prêtre revenait chaque fois que la situation paraissait critique.
Lorsque la mort survenait, un des anciens entamait une dernière prière, fermait les paupières de la personne décédée et l’aspergeait d’eau bénite. À ce moment, il était d’usage d’arrêter toutes les horloges de la maison et de faire silence dans l’entourage de la dépouille en guise de respect.
Sans tarder, on mettait en branle les préparatifs pour les funérailles. On s’occupait de laver le cadavre, de le vêtir de ses meilleurs vêtements puis de l’installer sur un lit ou encore sur de larges planches montées sur les tréteaux. Généralement, l’exposition de la dépouille mortelle avait lieu dans la « grande chambre » ou salon. Il restait à commander le cercueil chez un menuisier des alentours et à installer à la porte centrale du logis un crêpe. Selon sa couleur, les passants pouvaient savoir s’il s’agissait d’une personne d’un certain âge (tout noir), jeune (noir avec un ruban blanc).
Mouvement de sympathie
Alertés par les télégrammes ou les messages personnels, les visiteurs commençaient à arriver pour voir la personne décédée. Le groupe ainsi réuni pouvait atteindre une grande dimension. À des intervalles réguliers, certaines personnes y allaient de la récitation de chapelets et de prières spéciales.
Pendant ce temps, à la cuisine, une équipe de cordons-bleus fricotait les plats nécessaires pour apaiser l’appétit des visiteurs. Ces derniers étaient d’ailleurs tous logés soit sur les lieux mêmes ou encore chez les voisins immédiats. Comme, la nuit, il n’était pas question d’interrompre la ronde de veille auprès de la personne trépassée, la cuisine restait ouverte et servait de toile de fond à une sorte de réveillon de circonstance.
Habituellement, les funérailles se tenaient le lendemain ou le surlendemain du décès. Ce jour-là, le corps était déposé dans le cercueil. L’usage traditionnel voulait que le couvercle ne soit pas cloué dans la maison mais à quelques arpents plus loin. Avant l’usage des corbillards, il n’était pas rare de voir le cercueil porté par une douzaine de costauds gaillards qui parcouraient ainsi parfois des distances surprenantes.
Après avoir été accueillie par le prêtre sur le perron du temple paroissial, la dépouille mortelle était portée près de la balustrade où on l’enveloppait d’un voile noir et l’entourait de six grands cierges. Suivait la messe traditionnelle, en latin. Puis, on procédait à l’inhumation. À cette époque, les cimetières étaient situés tout à côté de l’église. Silencieusement, cachant mal sa douleur, l’assemblée se dirigeait vers la fosse fraîchement creusée. On récitait encore quelques prières pendant que quatre hommes descendaient le cercueil puis commençaient à le recouvrir de terre.
Une fois la mise en terre complétée, les membres de la famille se rendaient à la sacristie pour signer les registres officiels.
Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca.