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SÉRAPHIN MARGANE DE LAVALTRIE

Par Me Jean Hétu, Ad. E.
Président de la Société d’histoire et du patrimoine de Lavaltrie

Parti de La Guadeloupe le 15 avril 1665 à bord du navire nommé Le Brézé, le marquis Alexandre de Prouville de Tracy arrive le 18 juin à Gaspé. Il est accompagné de quatre compagnies de soldats dont Séraphin Margane de Lavaltrie, âgé de 24 ans, lieutenant dans la compagnie commandée par Isaac Berthier du régiment de l’Allier. Le marquis de Tracy, qui arrive à Québec le 30 juin, rejoint ainsi le régiment de Carignan-Salières envoyé en Nouvelle-France pour combattre les Iroquois qui menacent les habitants de la Vallée du Saint-Laurent. Le marquis de Tracy étant nommé par le gouverneur de Courcelles commandant de toutes les troupes sur le territoire de la Nouvelle-France, il prend alors la direction du régiment de Carignan-Salières et c’est ce qui explique pourquoi Séraphin Margane de Lavaltrie fut considéré comme lieutenant dans ce dernier régiment.

Séraphin Margane, sieur de Lavaltrie, est originaire de la paroisse de St-Benoit, ville et archevêché de Paris, comme le souligne son acte de mariage. Il est baptisé le 29 septembre 1641 dans la paroisse de Saint-Jean-en-Grève à Paris. Il est le fils de Sébastien Marganne, noble magistrat de la République de St-Elpide près de Paris puis avocat au Parlement de Paris, et de Denyse Tonnot.

Le 12 aoùt 1668, Séraphin Margane de Lavaltrie épouse à Québec Louise Bissot, née et baptisée à Québec le 25 septembre 1651, fille de François Bissot dit Larivière et de Marie Couillard. Assistent à ce mariage le gouverneur Rémy de Courcelle et l’intendant Jean Talon. Le marié avait presque 27 ans et son épouse n’avait pas encore 17 ans. Ajoutons que la sœur de Louise Bissot, soit Catherine Bissot, devient en 1675 l’épouse de Louis Jolliet, le découvreur du Mississipi.

Le 29 octobre 1672, L’intendant Jean Talon accorde à Séraphin Margane de Lavaltrie, une importante concession de terre sur les rives du fleuve Saint-Laurent. Il s’agit de « la quantité d’une lieue et demie de terre de front sur pareille profondeur, à prendre sur le fleuve St-Laurent, bornée d’un costé les terres appartenans au séminaire de Montréal [Saint-Sulpice], et de l’autre celles non concédées [Lanoraie], par devant le dit fleuve, et par derrière aux terres non concédées, avec les deux islets qui sont devant la dite quantité de terre et la rivière St-Jean comprise; pour jouir de la dite terre en fief et seigneurie et justice, luy, ses hoirs et ayant cause ». L’année 1672 marque donc une étape très importante pour le développement de la Nouvelle-France puisque quarante-six seigneuries sont concédées dont plusieurs le long du fleuve Saint-Laurent souvent à des anciens officiers du régiment de Carignan-Salières.

Le 16 mai 1699, Séraphin Margane de Lavaltrie décède dans la paroisse de Notre-Dame de Montréal à l’âge de 57 ans. Il vivait dans une maison située sur la rue Notre-Dame et achetée le 31 août 1691 de Pierre Chesne dit Saintonge. Séraphin Margane de Lavaltrie fut inhumé le 17 mai 1699 dans l’église paroissiale. L’inventaire des biens qui suivit le décès tel que dressé par le notaire Antoine Adhémar le 7 août 1699 nous démontre que Séraphin Margane de Lavaltrie laissait peu de biens meubles à sa famille. Une lettre est adressée le 20 octobre 1699 par le gouverneur et l’intendant de la Nouvelle-France aux autorités françaises afin qu’une pension soit versée à la veuve de Séraphin Margane de Lavaltrie compte tenu de sa pénible situation financière. Il fallut une deuxième requête pour que le Roi accepte enfin de venir en aide à Louise Bissot et c’est ainsi que celle-ci reçut une petite pension jusqu’à sa mort en 1733. Ses autres revenus ne pouvaient venir que de l’exploitation de la seigneurie.

Du mariage entre Séraphin Margane de Lavaltrie et Louise Bissot étaient nés onze enfants, dont six filles et cinq garçons qui s’allièrent aux autres grandes familles françaises de la Nouvelle-France.

Source : Jean HÉTU, Le Lavaltrie d’autrefois (1665-1972). Chronologie historique et photos anciennes, Montréal, Arch-Histo, 2016, xii et 387 p.