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LES MARTINEAU de Lavaltrie
Par Guy Martineau
En collaboration avec Michel St-Onge

Au 17ième siècle, trois Martineau, las de leur misère en France et espérant une vie meilleure dans la lointaine Nouvelle-France, ont tout quitté, pays, parents, amis et tout le reste, pour traverser l’océan Atlantique dans des conditions épouvantables sur des voiliers et venir s’installer au Canada. Ils étaient de simples colons, possiblement analphabètes, mais ils ne manquaient pas de courage ; nous sommes fiers d’eux. Ils s’appelaient Louis, Mathurin (ancêtre également d’une branche de St-Onge) et Jacques Martineau. Jusqu’à preuve du contraire, ils n’étaient pas parents entre eux.

L’ancêtre des Martineau de Lavaltrie, c’est Jacques. Originaire de Maillé, commune du nord-ouest de la France, située à environ 35 kilomètres de La Rochelle où il a probablement pris le bateau pour le Canada. La date exacte de son arrivée en Nouvelle-France est inconnue mais c’était vers 1663. Après quelques années comme serviteur à Montréal, il devient censitaire de la seigneurie de Paul Augustin Juchereau sieur De Maur, le Saint-Augustin-de-Desmaures d’aujourd’hui. En 1669, il épouse, à Québec, Antoinette Dumoustiers ou Dumontier, fille du Roi.

Son fils Pierre, après avoir épousé Marguerite Hot à Charlesbourg en 1711, déménage à Montréal dans les circonstances, pour les raisons et avec les moyens que nous ignorons. À cette époque, les Sulpiciens avaient déjà divisé tout le territoire situé au nord du Mont-Royal en trois côtes. Pierre et sa famille s’établissent sur le territoire de la Côte Saint-Michel. Tout comme les résidents de la Côte Saint-Laurent et de la Côte Notre-Dame-des-Vertus, ils étaient tous des paroissiens de la paroisse mère de Notre-Dame jusqu’à l’ouverture des registres de la paroisse Saint-Laurent en 1720. En 1736, Pierre Martineau ainsi que les résidents logés les plus à l’est de la Côte Saint-Michel s’intègrent à la nouvelle paroisse de la Visitation du Sault-au-Récollet où vivront les deux prochaines générations de nos Martineau. Le mariage de Mathurin, petit-fils de Jacques, avec Marie-Josephte David fut le premier célébré dans l’église de cette circonscription.

Résumons ainsi, par le lieu et la date de leur mariage, les déplacements de mes ancêtres Martineau au Canada, jusqu’à l’arrivée du premier descendant de Jacques Martineau à Lavaltrie :

C’est donc François-Thomas qui fut le premier Martineau à Lavaltrie où il épousa Félicité Juneau/Latulippe le 30 mars 1818. Ils eurent 7 enfants : Angélique, Zoé, François, Catherine, Flavie, Justine et Julienne. C’est par leur unique fils, François 1822-1900, marié à Élisabeth Laporte en 1844 que la descendance fut assurée ; ils eurent 14 enfants tous nés à Lavaltrie : Siméon, Ephrem, Georgiana, Edwilda, Marie Honorée, Aldina, Denis Edmond (Dennis), Élisa, Georges Léonide, Exilda, Georges, Louis, Fabiola et Joseph. Nous nous concentrerons sur leurs deux premiers enfants, deux fils, Siméon et Ephrem, en raison de leur importance pour la population éventuelle de Lavaltrie.  

Ces deux frères, Siméon et Ephrem, eurent un destin très différent mais sans quitter leur paroisse natale : après son cours classique au collège de l’Assomption, Siméon opta pour la médecine tandis que Ephrem devint agriculteur sur la terre paternelle.

Siméon Martineau, médecin (1844-1918)

En consultant notre histoire familiale, on est vivement impressionné par le personnage que fut le Dr Siméon Martineau 1844-1918. En plus de son rôle de médecin à Lavaltrie, avec les difficultés que cela comportait en région rurale à la fin du 19ième et début du 20ième siècles, il s‘est impliqué à fond dans la politique municipale, notamment comme maire de 1883 à 1891 puis à titre de secrétaire de la municipalité durant de nombreuses années, notamment les 4 ans où Napoléon Giguère – père d’Estelle, ma mère – était maire, entre 1902 et 1907. La maison de Siméon était située près du presbytère, elle existe encore et la Galerie Archambault s’y trouve présentement. Les réunions du conseil municipal y avaient souvent lieu. Le site de sa résidence permit à Siméon de jouer le rôle d’un héros généalogique : lors de l’incendie du presbytère en 1910, il sauva tous les registres des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse, tout le reste périt.

Siméon épousa Phébé Morin à Lavaltrie en 1872 et ils eurent 8 enfants :

  1. Octave, marchand et employé civil 1873-1935, propriétaire durant un certain temps de l’hôtel Martineau situé du côté sud-est de la rue Notre-Dame juste en haut de la montée du chemin du quai. Il épousa Marie-Louise Giguère à la Cathédrale de Montréal en 1899. Ils eurent 3 enfants dont Aurèle, 1900-1943 (Fernande Hétu). Aurèle fut gérant, dans sa maison privée, de la succursale locale de la Banque Canadienne Nationale de L’Assomption et agent d’assurances. Aurèle et Fernande eurent 12 enfants, dont Charles 1923-2007, premier gérant de la caisse populaire de Lavaltrie, Jean 1924-2014 notaire, Claude 1926-1999 et Jacques 1936-2018. À sa mort en 1943 à 42 ans, Aurèle laissait 10 enfants orphelins de père et, parmi eux, je me souviens personnellement, en plus de Charles, Jean, Claude et Jacques, de Thérèse et Édith. La maison d’Aurèle existe encore, bien conservée, sur la rue principale.
  2. Églantine 1876-1909
  3. Louis-Aimé 1878-1879
  4. Georges-Hector, médecin 1885-1946 (époux de Clara Benoit – St-Jacques de Montréal 1914). Parents de 12 enfants, dont trois fils médecins : Maurice 1917-1978, Yves 1923-2013 et Réal 1924-2016, lesquels, tout comme leur père, ont tous les trois pratiqué à Montréal. Parmi les enfants de Georges-Hector, il y avait aussi Pauline qui, le 26 octobre 1936, épousa Charles Giguère – médecin installé depuis peu à Lavaltrie, fils de Napoléon et frère de ma mère Estelle. Le 29 octobre 1936, en voyage de noces aux Etats-Unis, le couple fut impliqué dans un terrible accident d’automobile. Pauline survécut mais Charles mourut instantanément, il avait 30 ans. Lavaltrie perdait son médecin et la famille Giguère un fils chéri. Il est à noter que Georges-Hector et sa nombreuse famille, attachés à Lavaltrie, revenaient, chaque année, passer l’été dans leur magnifique chalet, le dernier près du fleuve, du côté est dans le chemin du quai.
  5. Aimé, cultivateur 1886-1934 (Annonciade Hétu –Lavaltrie 1915) : ils eurent 3 enfants.
  6. Raoul, 1887-1928 (Albina Larose –Ste-Brigide de Montréal 1916)
  7. Donat, 1888-1954, ordonné prêtre en 1916 à Joliette. Il eut une carrière bien remplie. Il fut successivement professeur au séminaire de Joliette de 1916 à 1917 ; vicaire à Ste-Cunégonde et à Ste-Anne-des-Plaines ; étudiant à Rome où il obtint un doctorat en philosophie ; études littéraires à Paris, en 1920 et 1921 ; professeur de rhétorique, de philosophie et directeur des élèves au collège de l’Assomption de 1921 à 1937. Par la suite, il avait été visiteur des écoles à Montréal, aumônier à l’orphelinat St-Arsène et curé à St-Vital de 1949 à 1953, alors que la maladie le força à prendre sa retraite. Autre contribution de sa part : des chroniques d’histoire de Lavaltrie.
  8. Éva,1890-1966 (Jean-Louis Lajoie-Lavaltrie 1915). Ils possédaient, à ma souvenance, une résidence estivale à Lavaltrie dans ce que nous appelions le «chemin de ligne» non loin de la rue Notre-Dame, ou la route 2 dans le temps. 

Ephrem, cultivateur 1846-1912, épousa Marie-Louise Lacombe à Lavaltrie en 1870
Ils eurent 8 enfants tous nés à Lavaltrie :

  1. Églantine 1871-1872
  2. Gustave, cultivateur et cordonnier 1873-1910 qui épousa Eugénie Lacombe à Lavaltrie en 1893. Ils eurent 9 enfants dont Monseigneur Eugène 1906-1968, professeur au collège de St-Jean en 1932, directeur des élèves à la même institution de 1945 à 1952, curé de la Cathédrale de St-Jean en 1952, chanoine titulaire en 1953 et prélat domestique en 1957. Gustave était le père également d’Euclide 1904-1971, père de 9 enfants dont Roger, grand-père de Daniel et arrière-grand-père d’Olivier, humoriste bien connu.
  3. Georgina, 1874-1874
  4. Fabiola 1874-1939 (Frédéric Pelletier – Lavaltrie 1892)
  5. Achille, marchand 1877-1907 (Maria Dejordy – Contrecoeur 1897). Maria 1875-1960 était la fille de Jean Dejordy 1809-1906, patriote de 1837 et d’Hermine Giguère 1864. Ils eurent 3 enfants dont 2 survécurent : Émile et Maurice.
  6. Romulus, 1881-1945, boulanger, marié à Létitia Pelletier à St-Sulpice en 1906. Ils eurent 5 enfants. Il fut maire de la Paroisse de Saint-Antoine-de-Lavaltrie de 1917 à 1921 et il fut aussi le premier maire du Village de Lavaltrie 1927 à 1929, après son détachement de la municipalité de la paroisse en 1926. Créée en 1855, la municipalité de la Paroisse fut ainsi amputée de son noyau villageois central en 1926 et ce n’est qu’en 2001 qu’elle retrouvait, avec un nouveau statut de Ville, son intégrité territoriale.
  1. Siméon, 1884-1901
  1. Émery, 1889-1970, connu surtout pour son rôle de facteur rural en voiture à cheval. Il était l’oncle de mon père Maurice mais tout le monde l’appelait «mon oncle Émery». Il épousa Évelina Lacombe à Lavaltrie en 1910 et ils eurent 4 enfants, notamment Hélène et Denis dont je me souviens.

REVENONS MAINTENANT À la famille d’ACHILLE MARTINEAU, MON GRAND-PÈRE,
5e ENFANT D’EPHREM MARTINEAU et de MARIE-LOUISE LACOMBE

 Achille Martineau 1877-1907 et Maria Dejordy 1875-1960

Achille, marchand, épousa Maria Dejordy à Contrecoeur en 1897. Ils eurent 3 enfants dont 2 survécurent : Émile et Maurice.

Achille étant décédé à 29 ans en 1907 du diabète, maladie pour laquelle on ne connaissait pas de traitement à l’époque, Maria se retrouva jeune veuve avec deux enfants à nourrir et à élever. La «mère Achille», comme on l’appelait dans le village, y parvint avec son petit magasin de coupons qu’elle maintint jusque dans les années 1950.

Émile, 1904-1980, fut gérant, dans sa maison privée, de la succursale locale de la Banque Canadienne Nationale de l’Assomption pendant 34 ans et secrétaire-trésorier de la municipalité durant 22 ans. Il eut trois épouses : Gabrielle Lapierre, Renée Lapierre sœur de Gabrielle après le décès de celle-ci et, redevenu veuf, Émile maria Henriette Lapierre, cousine des deux premières. C’est Gabrielle qui lui donna son seul enfant survivant, Jacqueline, née en 1929 et qui exploitera un commerce de lingerie dans la maison paternelle sur la rue principale de Lavaltrie. Jacqueline épousa André Chevalier le 6 juillet 1957 et ils ont 2 enfants Daniel et Louise, 1 petit-fils et 2 arrière-petits-enfants.

Émile Martineau et Gabrielle Lapierre

Maurice Martineau et Estelle Giguère

Maurice, 1906-1954, le deuxième fils d’Achille et Maria, fut maitre de poste de Lavaltrie et marchand général dans un édifice situé à côté de la maison de son frère Émile, édifice partagé avec sa mère, Maria Dejordy, qui y opérait son petit magasin de coupons. Maurice épousa Estelle Giguère, fille de Napoléon et Germaine Mousseau, le 11 avril 1929 à Lavaltrie. Leurs enfants, tous nés à Lavaltrie, sont :

  1. Guy, né en 1931, médecin, co-fondateur en 1960, avec le Dr Yvon Morin, du service d’orthopédie à l’hôpital de Rimouski, municipalité que j’ai adoptée pour y vivre depuis cette date. Grâce à Fernande Boisjoly (Fortunat et Rose Harnois) épousée à Lanoraie en 1955, je suis devenu père de six enfants : Céline et Louise nées à Montréal et Sophie, Chantal, Sylvain et Manon nés à Rimouski. Tous nos enfants vivent maintenant dans différentes régions du Québec : Estrie, Mauricie, Outaouais et Québec. Chacun(e) d’eux a contribué au peuplement du Québec de sorte que nous comptons maintenant 18 petits-enfants et 6 arrière-petits-enfants.
  2. Michel né en 1933, marié en 1953 à Françoise Lachance 1931-2015, père de Gilles, Luc, Josée, André, Jean, grand-père de 7 petits-enfants et aïeul de 4 arrière-petits-enfants.
  3. Micheline, sa jumelle, 1933-1978, mariée en 1953 à Arthur Charlebois 1929-1979, de Montréal, représentant régional de la compagnie Heinz. Ils vécurent à Sorel, opérèrent un dépanneur durant quelques années et eurent 4 enfants: Johanne, Claude, Nicole et Diane qui ont engendré 7 petits-enfants et 4 arrière-petits-enfants.
  4. Gérard né en 1935, marié en 1954 à Jeannette Hervieux 1934-2016 (Wellie et Marguerite Goulet). Succédant à notre père Maurice, il a été maitre de poste de Lavaltrie durant 40 ans. Jeannette et Gérard sont les parents de Mario, médecin de famille à Lavaltrie depuis 1980, Sylvie et Yvon. Ils ont 8 petits-enfants et 4 arrière-petits-enfants.
  5. Raymond, 1938-1946, décédé de poliomyélite en quelques jours, durant l’épidémie qui a sévi au Québec cette année-là.
  6. Marius, né en 1942, marié à Nicole Bleau en 1967. Ils sont les parents de Nancy et Anthony et grands-parents de 3 enfants.

Le magasin Martineau, propriété de Maurice. Carte postale datant des années 1940
Magasin général, bureau de poste et station d’essence, situé face à l’emplacement du bureau de poste actuel
Commerce de coupons de Maria Dejordy avec son humble vitrine, à gauche sur la photo
Vendu vers 1952, l’édifice fut détruit par un incendie en 1964

Et maintenant…

Après bientôt 60 ans à Rimouski, soit depuis 1960, il arrive encore parfois, mais de plus en plus rarement cependant, qu’on me demande si je viens de Montréal, à cause de mes «r» que je roule toujours. Sans mépriser la métropole où j’ai vécu de 1950 à 1960 pour mes études, je m’empresse alors de préciser que je ne suis pas de Montréal mais de Lavaltrie, situé à proximité du côté est, sur la rive nord du St-Laurent et où le langage et l’accent sont sensiblement les mêmes qu’à Montréal. Fier d’être un Martineau originaire de Lavaltrie, je garde un souvenir idyllique du village de mon enfance, d’environ 1 100 âmes. Un beau village à la rue principale ombragée, avec de jolies propriétés, bien entretenues pour la plupart et imposantes pour certaines. Une oasis de services et de restauration pour les usagers de la route 2, alors la transcanadienne et devenue la 138. Un lieu de villégiature estivale pour les Montréalais qui, après y être venus en excursions de fins de semaine par bateau, se sont mis à venir y passer leurs étés dans des chalets bâtis sur des terrasses près du fleuve, dont les premières portaient les noms de Breault, Martineau et Villeneuve.

Maintenant, les Martineau, descendants de Jacques, sont rares à Lavaltrie, ville d’environ 14 000 habitants. Je pense que Jacqueline, fille d’Émile, en est la seule résidente permanente avec ses 2 enfants, son petit-fils et ses deux arrière-petits-enfants. Son commerce, qu’elle opère conjointement avec sa fille Louise, est toujours là, au même endroit dans l’ancienne maison de son père. Mais il y a aussi Mario Martineau, médecin omnipraticien, marié en 1977 à Michelle Girard (Guy et Denise Choquette) ; ils sont les parents de 2 enfants, Julie résidant à Joliette et Geneviève à Stockholm en Suède et de 4 petits-enfants. Mario est le fils de Gérard et de Jeannette Hervieux, deux parents exceptionnels. Récemment, il a vendu sa résidence à Lavaltrie mais, depuis 1980 et sans aucune interruption, il a toujours été et demeure un médecin de famille dévoué et très apprécié dans la municipalité.

La descendance de Jacques Martineau – immigrant venu de France au 17ième siècle – a généré de nombreux médecins dont au moins 4 natifs de Lavaltrie. Il me parait donc symbolique que l’un des derniers de cette lignée, portant le patronyme de Martineau à Lavaltrie, soit membre de cette profession. Mario est un digne représentant à la fois de la confrérie médicale et des Martineau de Lavaltrie.

Dr Mario Martineau et son épouse, Michelle Girard

Remerciements

Je tiens à remercier Me Jean Hétu dont je possède plusieurs des publications sur l’histoire de Lavaltrie et dans lesquelles j’ai pigé au besoin.
De façon plus particulière, merci à Michel St-Onge, généalogiste compétent et minutieux, descendant de Mathurin Martineau par son père et de Jacques Martineau par sa grand-mère maternelle. Il m’a permis généreusement d’utiliser toutes les données contenues dans ses articles parus dans Le Martineau concernant les descendants de Jacques Martineau ; il a ensuite revu mon texte pour le valider et y faire les corrections nécessaires.

Références
– Le conseil municipal de Lavaltrie 1855-2014, par Jean Hétu ;
– Le Lavaltrie d’autrefois (1665-1972), par Jean Hétu ;
– Descendance de l’ancêtre Jacques Martineau, par Michel St-Onge. Cinq articles parus dans Le Martineau, journal de l’Association des Martineau d’Amérique : deux articles sur l’ancêtre, ses origines et ses premiers descendants (numéros de décembre 2012 et juillet 2016) et trois articles sur les Martineau de Lavaltrie (numéros d’avril 2014, avril 2015 et juillet 2018).