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FÉVRIER 2022

LA PÊCHE AU TROU DE GLACE

     L’hiver venu, les habitants installés en amont de Québec, s’inspirant des Amérindiens ou des Esquimaux pratiquaient ce qu’on appelait la pêche au trou de glace.

     Cette dernière se déroulait à peu près comme suit. Dans un premier temps, le pêcheur descendait sur les eaux gelées et choisissait un site qui correspondait le plus possible à la jonction des eaux d’un affluent du fleuve et de ce dernier. La raison en était bien simple. En effet, c’est là que séjournaient le plus souvent les bancs de petits poissons qu’il recherchait.

     Une fois sur la glace, la deuxième étape consistait à percer le trou qui permettait d’atteindre la nappe d’eau. Pour y arriver, notre pêcheur utilisait un vilebrequin muni d’une mèche à large tête ou encore un pic à glace et une hache. Pour sa sécurité, ce trou devait mesurer entre 30 ou 60 cm de profond. À cette épaisseur, il savait que la glace ne présentait plus aucun danger. Au contraire, elle était aussi solide qu’un pont d’acier.

Il fallait surtout de la patience

     S’amorçait alors la troisième étape de l’opération, soit l’installation de l’abri ou de la cabane à pêche comme on la nommait. Cette dernière servait à protéger le pêcheur contre les rigueurs du climat. Il faut dire que la saison de la pêche s’étendait sur plusieurs semaines. Durant ce temps, le pêcheur qui voulait faire mouche se devait de vivre littéralement sur le bord de son trou.

D’où l’importance de cet abri qu’il transformait en un second chez-lui.

     Pour la transporter au-dessus de son trou, le pêcheur installait la cabane sur des patins de bois et faisait traîner le tout à l’endroit approprié par un des chevaux de la ferme. Une fois sur les lieux, on la déchargeait et on l’ancrait bien en place. La saison de la pêche pouvait alors commencer.

     Pour attraper les « petits poissons des chenaux » comme on les appelait, point besoin d’être un pêcheur habile et expérimenté. Il fallait être vif et surtout endurant. La manœuvre principale consistait à descendre dans le trou une ligne munie d’un hameçon auquel on accrochait à l’occasion de la mie de pain. Lorsque les poissons, surtout l’éperlan et la morue, venaient respirer, ils se laissaient tenter par l’appât. Et le tour était joué. Une fois pris, on les décrochait et on les jetait sur la glace où ils gelaient instantanément. C’est ainsi qu’on pouvait les conserver.

     Le secret évidemment était d’être là lorsque le poisson mordait et d’être là assez longtemps pour se constituer une réserve capable de nourrir la maisonnée une « bonne escousse ».

     D’ailleurs, il était prouvé que la patience et la ténacité payaient. À preuve, les pêches quasiment miraculeuses que certains arrivaient à tirer de leur trou. De quoi faire rougir les évangélistes!

     Cette coutume comportait également sa part de risque. À mesure que le printemps avançait, il n’était pas rare que la glace cède ou encore qu’un morceau de glace parte à la dérive entraînant avec lui le ou les infortunés qui y avaient érigé leur cabane. C’est ce qui est arrivé à Lotbinière en 1948 où 33 cabanes ont été ainsi emportées.

Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca