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Octobre 2019

LE RAMANCHEUR

Lorsque nos aïeux s’étaient donné un « tour de rein », foulé un pied, cassé un bras, ils comptaient généralement sur le ramancheur ou la ramancheuse du canton pour les « remettre sur le piton ». Et s’il faut en croire les récits que les anciens nous relatent encore de nos jours, ces « soigneurs » publics avaient le miracle au bout des doigts.

Le ramancheur ou le rebouteur, comme on le nommait dans certaines régions, était en général un « bon diable » qui avait appris très souvent de l’un de ses parents à effectuer le massage des muscles, des ligaments ou encore à replacer en bonne position les différents os du corps. On disait à cette époque qu’il avait un don. Don hérité d’une façon mystérieuse d’un grand-parent au moment de la mort de ce dernier.

Pour exercer ses talents naturels, le ramancheur sillonnait régulièrement les paroisses qui formaient son territoire. Comme le personnage se doublait la plupart du temps d’un raconteur hors pair et d’un amuseur public de première classe, la nouvelle de son arrivée se répandait comme une traînée de poudre. Et si par hasard le ramancheur n’était pas dans les environs lorsqu’on avait besoin de lui, on se déplaçait pour bénéficier de ses services.

 

Il avait le miracle au bout des doigts

Pour opérer ses exploits, le ramancheur utilisait surtout ses mains. C’était là toute sa richesse. Mais quelles mains! Au simple toucher, il pouvait diagnostiquer le mal. Et d’un simple tour de main le faire disparaître.

Dans certains cas plus grave comme par exemple les cassures, il confectionnait un bandage d’éclisses de bois qu’il entourait ensuite d’un linge. Ce plâtre très rudimentaire permettait à l’os en question de se reformer naturellement. Si c’était nécessaire, il fabriquait même une paire de béquilles. Dans d’autres cas, il recommandait l’usage de cataplasmes ou encore de liniment, sorte d’onguent bienfaisant.

Le ramancheur n’exigeait jamais de paiement pour les services qu’il rendait. On lui donnait ce qu’on voulait. Mais ceux qu’il avait délivrés de leurs tourments savaient le récompenser adéquatement. À la campagne, on payait en nature. À la ville ou dans les gros villages, on offrait des espèces sonnantes : de cinq à dix dollars.

La présence du ramancheur ne faisait pas le bonheur de tout le monde. Les médecins, par exemple, tentaient de le confondre, de le discréditer. Le ramancheur par contre était très futé. Confronté à d’irréductibles incrédules, il ripostait en démembrant une poule ou un chat et en les remettant en état sur le champ. Yeux écarquillés par l’exploit, l’assistance retrouvait la foi et le respect.

Mais cette extravagance n’avait pas toujours raison de tout le monde. Lorsqu’il était traduit en justice pour pratique illégale de la médecine, la pilule était plutôt amère. Cela voulait dire amendes et parfois prison. C’est d’ailleurs en partie à cause de ce harcèlement que l’on ne rencontre plus guère aujourd’hui de ramancheurs au Québec.

Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul