Juin 2018
La fête de la Saint-Jean
Vieille tradition française, cette célébration a suivi nos ancêtres en terre d’Amérique et pris racine avec eux.
Voici à peu près comment les choses se déroulaient autrefois. Le 23 juin au soir, veille de la Saint-Jean-Baptiste, les villageois se réunissaient face à l’église paroissiale et y dressaient un bûcher de trois m et trente cm de hauteur. Pour ce faire, on utilisait surtout des éclats de cèdre qu’on couvrait par la suite de branches de sapin. Lorsque le bûcher se dressait fièrement au milieu de la place, on invitait le curé à venir le bénir. Après les prières rituelles, celui-ci allumait le feu avec un cierge. Fusaient alors les cris enthousiastes des jeunes en même temps que résonnaient des salves de coups de fusil. La fête s’amorçait, ponctuée par de jolies chansons du terroir et des danses auxquelles chacun se joignait avec gaieté.
D’après les historiens et les ethnologues cette fête du feu nous viendrait du fond des âges. Peut-être d’aussi loin que l’âge de pierre. Les Phéniciens, les Romains, les Celtes avaient l’habitude de souligner les grands cycles du soleil en allumant des feux de joie. Rappelons que le 24 juin correspond d’une façon générale au jour le plus long de l’année (solstice d’été) alors que Noël est la journée la plus courte (solstice d’hiver), et que ces deux dates en particulier faisaient l’objet de festivités très spéciales.
La célébration de la Saint-Jean revêt, après la conquête de 1760, un nouveau sens. Elle permet aux colons français restés en terre d’Amérique de souligner d’une façon originale leur volonté de survivre comme groupe différent.
Fête des Canadiens-Français
C’est en 1834 que la fête prend une allure plus officielle et organisée. Cette année-là, Ludger Duvernay, futur fondateur de la Société Saint-Jean-Baptiste, conçoit l’idée d’une fête nationale annuelle qui regrouperait les Canadiens-français. Le soir du 24 juin, il organise un banquet de notables montréalais. Les convives, une soixantaine, furent recrutés de vive voix. On porta de nombreux toasts à l’avenir des Canadiens-français, de leur langue, de leur histoire et de leur foi.
Duvernay venait de réaliser son rêve. Pourtant, ce n’est que vers 1842 que la Saint-Jean s’élargira. On assiste à la première parade historique où sont évoquées nos gloires nationales.
En 1874, la fête nationale connaît un succès exceptionnel, grâce à l’invitation lancée à tous les Canadiens-français du Canada et des États-Unis. Le défilé s’étend sur presque trois milles et se poursuit pendant trois heures. Un journaliste de l’Opinion publique, journal de l’époque, a compté 131 drapeaux, 53 bannières, 31 corps de musique et 15 chars allégoriques. Une fois le défilé terminé, la foule se déplace vers l’église Notre-Dame pour une grand-messe solennelle. Le soir, on sert un banquet monstre à l’hôtel de ville.
Au début du XXe siècle, la formule se raffine. La fête commence le 23 par le traditionnel feu de la Saint-Jean. Suivent les concerts et les discours où voisinent les sentiments religieux et patriotiques. Le lendemain, on retrouve immanquablement une grand-messe, un défilé et différents banquets.
En 1924, apparaissent dans le défilé le petit Saint-Jean-Baptiste à la tête bouclée et son mouton. Désormais, eux aussi deviendront une institution. Dans chaque défilé, on les saluera toujours dans le dernier char.
Les Québécois regarderont passer la parade pendant longtemps, jusque vers la fin des années soixante. La fête se modifiera alors et connaîtra, selon les années, différentes formules. On invitera les gens à descendre dans la rue et à participer à la fête, ce qu’ils feront progressivement, à l’île Saint-Hélène, dans le Vieux Montréal, au Mont Royal. Et plus récemment, dans les quartiers avec leurs voisins et leurs amis. Nous venons peut-être de découvrir le vrai sens de la fête … et de la vie : participer.
Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca
1867
2006
1874