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Agapit Douaire de Bondy (1848-1869)

L’épopée des Zouaves canadiens qui se portèrent à la défense du Pape Pie IX, assiégé à Rome par les troupes de Garibaldi en 1868-1870, a marqué l’histoire religieuse du Québec. Quelques-uns de ces jeunes « croisés » étaient originaires de Lavaltrie, ce sont : Agapit Douaire de Bondy, Denys Laporte, Jean-Baptiste Laporte, Etienne Rosseling et Lucien Benoit. Mgr Anastase Forget a rendu hommage aux anciens étudiants du Collège de l’Assomption qui furent des zouaves, notamment Agapit Douaire de Bondy (29e cours) et Jean-Baptiste Laporte (23e cours). Il écrit dans son Histoire du Collège de l’Assomption 1833-1933 (p. 221) : « Treize Zouaves du premier détachement, de retour d’Italie, étaient reçus au collège, le 28 avril 1870. À cette occasion, un service funèbre fut chanté à la pieuse mémoire de ceux-là qui dormaient leur dernier sommeil en terre italienne, particulièrement pour le repos de l’âme d’Agapit Douaire de Bondy et de Jérémie Lefort.

[…]

Le don de soi-même jusqu’à l’effusion de son sang est le témoignage le plus authentique et le plus fort qu’on puisse donner de ses convictions religieuses. »

Mais, dans les faits, peu de zouaves canadiens ont véritablement participé à des combats militaires même s’ils ont été accueillis à leur retour au Canada comme des héros. Le décès à Rome d’Agapit Douaire de Bondy fut d’ailleurs le résultat d’un assassinat comme l’a raconté l’écrivaine Claire Martin dans les paragraphes qui vont suivre.

Agapit Douaire de Bondy, zouave pontifical qui décéda à Rome, est né le 14 juillet 1848 à Berthier. Il était le fils aîné du Dr Agapit Douaire de Bondy, licencié des Bureaux médicaux du Canada Est le 24 mai 1847, qui fut le deuxième maire de Lavaltrie en 1858, et d’Adéline Franchère.

L’ancêtre de la famille était Thomas Douaire sieur de Bondy, originaire de la paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois, Paris (France), qui décéda le 19 juillet 1667 à l’Île d’Orléans où il s’était établi. Il avait épousé le 26 juillet 1656 à Notre-Dame de Québec Marguerite de Chavigny. On connait peut de chose de l’origine de cet ancêtre, sauf qu’il portait les titres d’écuyer et de gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi. Thomas Douaire, étant ivre, se noya dans le fleuve Saint-Laurent près de l’Île-d’Orléans le 19 juillet 1667. Son corps fut retrouvé le 22 juillet 1667 et il fut inhumé près du moulin des Jésuites à Québec. Le Dr Agapit Douaire était un descendant de la sixième génération.

Le Dr Agapit Douaire de Bondy succéda en 1858 à Jean-Baptiste Hétu comme deuxième maire de Lavaltrie et il va occuper cette charge jusqu’en 1862. Il était né le 27 mai 1827 à Berthier et son père Joseph Douaire Bondy, marchand né à Verchères en 1770, avait été député du comté de Warwick (qui deviendra Berhier) du 25 avril 1816 au 9 février 1820 à la Chambre d’assemblée de la province du Bas-Canada. Le Dr Agapit Douaire de Bondy avait épousé Adélìne Franchère, fille de David Franchère et de Louise Dufresne, à Berthier-en-Haut (paroisse de Sainte-Geneviève) le 13 août 1847. C’est le 14 septembre 1848 qu’il mit en vente sa maison de Berthier et, en 1850, on le retrouve établi à Lavaltrie. De 1852 à 1869, il est secrétaire-trésorier de la corporation scolaire et, à partir de 1862, il cumule la fonction des secrétaire-trésorier de la municipalité. En 1854, le Dr Douaire de Bondy se présenta comme candidat dans le comté de Berthier mais il subit une humiliante défaite, terminant troisième (Pierre-Eustache Dostaler 1061 voix, Piché 532 voix et De Bondy 33 voix). En 1870, il semble avoir déménagé à Lanoraie et, en 1871-1872, il est présent à Montréal. Au début des années 1880, il pratique la médecine à Sorel avant d’être nommé, en 1882, coroner du district de Sorel. Il est décédé à ce dernier endroit le 4 mars 1894. L’écrivaine Claire Martin nous a parlé de la famille de sa grand-mère dont le père était le Dr Agapit Douaire de Bondy dans son livre autobiographique intitulé Dans un gant de fer (Le Cercle du livre de France, 1965, p. 23). Elle y a décrit la fin tragique de son arrière-grand-père (p. 23-24) :

« Le père de grand-maman, Agapit Douaire de Bondy, était médecin à Sorel. Il venait de Lavaltrie où il est enterré près de sa femme. L’histoire de sa mort, que grand-maman me racontait souvent, me terrifiait. Il revenait de visiter ses malades par un jour de grand froid. La place de l’Église était glacée comme une patinoire. Les chevaux s’y affolèrent, tournèrent trop court et firent verser le traîneau. Le docteur de Bondy donna violemment de la tête sur la glace mais il put rétablir la voiture et continuer sa route. Seulement – et c’est ici que l’histoire me donnait le frisson – il entra chez lui en disant : « Qu’on aille chercher le prêtre et le notaire. Je viens de me tuer. » Il eut le temps de dicter son testament, de recevoir les derniers sacrements, puis il mourut. »

Quant à son épouse, Adéline Franchère, elle est décédée à Sorel le 6 juin 1896 et fut inhumée à Lavaltrie le 10 juin à l’âge de 70 ans en présence de ses fils Ovide, professeur de musique, et de Jean-Baptiste, scribe. Elle donna naissance à une douzaine d’enfants nés pour la plupart à Lavaltrie. C’est son fils Agapit jr qui deviendra un zouave pontifical et qui connaîtra une fin tragique. Un autre fils, soit le Dr Ovide Douaire de Bondy a également retenu notre attention et on retrouve sa biographie plus loin.

Agapit fils étudia au Collège de l’Assomption de 1860 à 1864 (29e cours). L’abbé Anastase Forget, dans son Histoire du Collège de l’Assomption (p. 220), nous le présente comme un étudiant originaire de Lavaltrie qui deviendra un « zouave pontifical », avec même une photographie qui est erronée puisqu’elle représente son frère Ovide qui fut également étudiant au Collège de 1863 à 1871 (31e cours). En effet, Agapit joignit le IVDétachement des zouaves pontificaux le 16 juillet 1868 (numéro matricule 7800) avant d’aller mourir à l’Hôpital militaire de Rome le 4 décembre 1869. Le Bulletin des Recherches Historiques de 1912 (p. 109-110) a rapporté que huit zouaves pontificaux canadiens reposent dans le cimetière San Lorenzo à Rome, dont notamment Agapit Bondy et Jérémie Lefort qui avait également étudié au Collège de l’Assomption (30cours). Claire Martin a expliqué comment le frère de sa grand-mère, Agapit fils, mourut à Rome alors qu’il était zouave pontifical :

« Sain et sauf et près de revenir au pays, il sortit seul le dernier jour. Le lendemain, à l’aube, on retrouva son cadavre un poignard entre les épaules. Il s’était traîné jusque dans la cour de la maison ou de la caserne qu’il habitait.

– Pourquoi l’avait-on tué, grand-maman?

– Je ne le sais pas. C’était une époque troublée. Peut-être l’avait-on pris pour un autre ou voulait-on le voler.

– Peut-être qu’un mari jaloux… insinuait grand-mère en riant un peu, – ce deuil avait plus de cinquante ans.

L’histoire du mari jaloux ne me semblait pas bien romanesque. Je préférais l’autre explication. Être assassiné par erreur sans que personne ne puisse jamais savoir à la place de qui, cela m’ouvrait un tel champ de suppositions que la tête me tournait. Il ne me venait pas à l’idée qu’il avait été pris, tout simplement, pour ce qu’il était : un zouave. »

Le nom d’Agapit Douaire de Bondy se retrouve aujourd’hui gravé dans la Basilique-Cathédrale Marie-Reine-du-Monde de Montréal avec celui des autres zouaves pontificaux. Enfin, soulignons qu’une rue « Douaire de Bondy » rappelle le souvenir de cette famille à Lavaltrie.

Me Jean Hétu, Ad. E.