JUIN 2022
LE RELEVAGE DES CLÔTURES
Parce qu’ils résistaient admirablement aux intempéries, nos ancêtres utilisaient couramment les pieux et les perches de cèdre ( le thuya ) dans la confection des clôtures qui entouraient et délimitaient leurs propriétés.
Les clôtures avaient d’ailleurs pris chez nous une allure et un style qu’on ne voyait pas ailleurs.
Avec le sens pratique qu’on leur connaissait, nos aïeux avaient opté pour un modèle qui, d’une part, mettait à profit un matériau fort répandu et peu coûteux et, d’autre part, permettait de faire face aux défis que posait la succession des saisons.
La « pagée » constituait l’unité de base de cet ouvrage. C’est ainsi que les anciens nommaient la distance qui séparait deux groupes de pieux. Les pieux étaient plantés deux à deux, l’un vis-à-vis de l’autre. À l’aide d’une grande vrille, la tarière, on y perçait à différentes hauteurs 3 ou 4 trous. Puis on y enfonçait des chevilles de bois sur lesquelles on déposait en dernier lieu les longues perches qui formaient la pagée.
La structure même de ce type de clôture rendait facile son démantèlement. Qu’il s’agisse de faire passer un troupeau d’animaux d’un champ à un autre, ou encore d’ouvrir un chemin d’hiver ou tout simplement de réunir deux propriétés adjacentes, il suffisait d’enlever les perches déposées entre les pieux.
L’emploi du bois dans ce genre d’ouvrage avait sa contrepartie. En effet, nos vieilles clôtures de perches s’abîmaient régulièrement et les habitants devaient chaque année « relever » leurs clôtures comme ils disaient.
Une activité pour le grand-père et les petits enfants
Cette opération se déroulait souventes fois au mois de juin. Comme elle n’exigeait pas d’effort physique trop soutenu, c’était le grand-père et ses petits-enfants qui s’acquittaient de cette tâche.
De bon matin, cette petite milice de travailleurs se mettait en marche sous la houlette du patriarche. Grimpée sur la charrette qu’on avait au préalable chargée de nouveaux pieux et de nouvelles perches, l’équipe se rendait d’abord jusqu’aux clôtures de ligne, c’est-à-dire celles qui séparaient les propriétés. Sur place, les bambins avaient pour mission d’inspecter minutieusement chaque pagée de la clôture et de repérer les pieux brisés et les perches cassées.
Lorsqu’un élément défectueux avait été localisé, le grand-père s’amenait et dirigeait avec toute son expérience le remplacement de la pièce de bois. Cette dernière n’était pas éliminée. On la plaçait dans la charrette et on la transformait un peu plus tard en bois de chauffage pour le four à pain.
Après les clôtures de ligne, l’équipe s’attaquait à celles des pacages où broutaient les animaux, puis aux clos de « refente » du bois et enfin à celles qui entouraient les champs ensemencés.
On portait d’ailleurs une attention toute particulière à celles-ci car il aurait été désastreux qu’un animal errant ( vache, cheval, porc ) y pénètre et y fasse des dommages importants.
Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca