MAI 2022
LES NOCES
Après des fréquentations méticuleusement contrôlées par leurs parents et parfois même monsieur le curé, les deux jeunes gens passaient à la première étape, soit la petite demande. Tel que prévu par l’étiquette, le garçon devait d’abord sonder le cœur de sa future belle-mère. Si cette dernière semblait favorable, le jeune amoureux se risquait à aborder le sujet avec le chef de la famille à peu près huit jours plus tard.
Après cette étape, les deux pères s’amenaient dans les jours qui suivaient, chez le curé pour lui communiquer l’intention de leurs enfants. Les règlements de l’Église prévoyaient en effet qu’un avis officiel devait être transmis au public pendant trois dimanches consécutifs au prône de la messe principale. C’est ce qui s’appelait « publier les bans ».
Un peu plus tard, les pères des futurs se rencontraient de nouveau. Cette fois-ci, on discutait des biens que chaque conjoint apporterait avec lui. L’usage voulait que la femme offre une dot à son mari. La dot pouvait comporter de l’argent sonnant ou des animaux de la ferme, du linge de maison, divers meubles. Lorsque l’affaire avait été réglée, on invitait le notaire à venir dresser le contrat de mariage. Cette séance avait très souvent lieu chez le père de la mariée. Puis on fixait la date des épousailles.
Pendant tout ce temps-là, la nouvelle du mariage faisait le tour de la paroisse et parfois du canton. De leurs côtés les futurs époux s’affairaient à se gréer (prononcez « greyer ») de tout ce qu’il fallait pour « partir ménage » et surtout pour « faire de belles noces ».
En certains endroits, on avait l’habitude d’organiser, dans la semaine précédant les noces, une soirée pour « divertir la mariée ». Il s’agissait, pour les amies de la future, d’un prétexte pour lui offrir quelques cadeaux et pour s’amuser entre filles. Parallèlement, les messieurs y allaient de leurs célébrations, marquées cependant d’un tout autre cachet. L’enterrement de vie de garçon avait la réputation d’être plus endiablé et plus mouvementé. Le jeune marié y participait avec une certaine dose d’appréhension. Il savait qu’on lui jouerait quelques bons tours.
Le cortège
Le matin des noces, le futur invitait son père à le bénir puis tous les deux se rendaient en voiture ou en « berlot », selon la saison, chez les parents de la mariée. On formait alors le cortège de la noce : la demoiselle et son père en tête, suivis du garçon et de la demoiselle d’honneur, des « noceux » (parents et amis) et finalement du marié et de son père.
Une fois à l’église, le couple faisait un détour par la sacristie pour aller se confesser et s’entretenir brièvement avec le curé. Puis on passait dans l’église même, et on se plaçait juste devant la balustrade. C’est là que, devant Dieu et les hommes, s’échangeaient les promesses et les anneaux. À la fin de la cérémonie, les deux protagonistes et leurs pères respectifs repassaient à la sacristie pour signer les registres de la paroisse.
Au retour, le cortège se reformait mais dans un autre ordre : les mariés venaient en tête alors que leurs parents se retrouvaient à la queue. Et quel cortège ! On y comptait rarement moins de 40 à 60 voitures.
Tout ce beau monde était invité chez le père de la mariée pour le repas des noces. Avant que ne commence ce festin, le garçon d’honneur prenait la parole et proposait à toute l’assemblée un toast en l’honneur des héros du jour. S’il ne pouvait pas réciter son petit boniment, on mettait un des souliers de la mariée à l’encan. Cette dernière en tirait toujours une somme intéressante. Puis on attaquait les victuailles. Un ancien de Batiscan racontait qu’il avait fallu, pour une noce dans sa famille, six seaux de ragoût, 106 tartes et 99 tourtières.
Une fois les convives rassasiés, la mariée et la fille d’honneur lançaient une ronde de joyeuses chansons qui ne s’arrêtait que le temps d’une gigue, d’un « reel » et d’un cotillon. À six heures du soir les festivités cessaient momentanément pour permettre aux « noceux » de casser la croûte à nouveau. Les chants et les danses reprenaient aussitôt après et duraient jusqu’au matin avec cependant une interruption vers minuit, le temps d’un réveillon.
Le deuxième jour, la noce se poursuivait cette fois-ci chez le père du marié. Le troisième jour, la joyeuse bande rappliquait chez le père de la mariée. Généralement, la fête s’arrêtait là.
Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca