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AVRIL 2022

LES ABATTIS ET LES BRÛLÉS

     Au siècle dernier, tout habitant qui se respectait consacrait deux ou trois semaines par année à faire de la terre neuve. En langage de cultivateur, cela voulait dire agrandir la partie cultivable de sa terre.

     Ce gain de terrain s’opérait évidemment aux dépens de la forêt qu’on faisait reculer ainsi périodiquement. N’oublions pas que les fermes luxuriantes de la vallée du Saint-Laurent étaient jadis de denses forêts de feuillus.

     Ces nouvelles terres arables s’obtenaient au prix de durs labeurs auxquels contribuaient tous les membres de la maisonnée. En effet, bien qu’à cette époque la main-d’œuvre fût abondante, elle n’en coûtait pas moins quelques sous, aussi on évitait les dépenses autant que possible.

     Une fois choisi le coin de forêt qui allait disparaître, on amorçait la première étape qui consistait à abattre les arbres et les arbrisseaux. Équipés de haches, de godendards et de cisailles, les hommes s’attaquaient à la besogne gaillardement. Les beaux grands arbres faisaient l’objet d’une attention particulière, car nos ancêtres profitaient de ces manœuvres pour se faire du bois de chauffage ou encore pour mettre de côté ceux des arbres qui pouvaient être transformés en poutres ou en planches.

     Lorsqu’on avait retiré le bois utile, on s’occupait des branches, des arbustes et des détritus sans valeur. Généralement, on les entassait et on les brûlait. C’est justement ce qui s’appelait « faire de l’abattis ».

Agrandir la terre cultivable

     L’étape suivante du défrichement consistait à extraire du sol les troncs qui subsistaient encore sur le terrain. C’était l’essouchage, corvée de taille. Pour s’en acquitter, nos ancêtres faisaient appel à la force proverbiale des bœufs qu’ils attelaient en équipes de deux. Pendant plusieurs heures, ces derniers tiraient inlassablement sur une souche dont les racines profondes ne voulaient pas céder. Munis de perches ou de barres de fer, les hommes se démenaient tout autant de leur côté. Les souches étaient, elles aussi, regroupées en tas un peu partout sur le terrain et transformées au fil de la journée en bûcher.

     Ce grand déblaiement terminé, on mettait littéralement le feu à tout ce qui restait par terre : branchages, herbes, feuilles, etc. La portion de forêt ainsi incendiée portait le nom de « brûlé ».

     Au printemps suivant, l’habitant n’avait plus qu’à remuer le sol et à le préparer pour la culture. Il disposait désormais d’un nouveau champ de blé.

Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca