NOVEMBRE 2021
LE PLUMAGE DES OIES
En plus de fournir la chair succulente dont nos ancêtres agrémentaient leurs repas de fête, les oies contribuaient d’une autre façon au bien-être de nos aïeux. En effet, c’est à partir de leurs duveteuses plumes blanches que nos arrière-grand-mères confectionnaient les matelas et les oreillers de l’habitation familiale. L’engraissage des oies commençait dès les premiers jours du printemps et se poursuivait jusque vers le milieu de novembre. Ainsi chaque jour que « le bon Dieu amenait », la fermière visitait la basse-cour, distribuant généreusement le grain dont se gavaient les oies. Elle ne ménageait pas ses efforts. L’opulence des repas des « fêtes » en dépendait. Et la douceur de ses nuits également. Malgré tout, elle était un peu triste lorsque les premiers froids de l’hiver arrivaient. Car cela voulait dire qu’on allait bientôt « faire boucherie ». Et généralement, on commençait par les poules et les oies.
Une fois que les oies avaient été tuées, la corvée du plumage de ces grands volatiles s’organisait.
Ainsi, la famille qui avait des oies à plumer lançait une grande invitation aux gens des alentours. Généralement, un bon groupe répondait à l’appel et se retrouvait, le soir convenu, dans un des bâtiments de la ferme. Comme il s’agissait de la fin novembre, les hôtes avaient allumé un grand feu qui permettait aux travailleurs de s’acquitter de leur besogne dans des conditions plus agréables.
Assis sur des bottes de foin ou des sièges de fortune, les invités se mettaient à l’œuvre promptement. L’opération était simple. Elle consistait à enlever, sans trop les abîmer, les plumes qui couvrent le corps des oies et à les déposer dans d’énormes cuves qu’on avait installées un peu partout dans la pièce.
Soirée agrémentée d’histoires et couronnée d’un réveillon
Évidemment, il ne manquait pas de joyeux lurons pour raconter des histoires et des blagues qui déridaient tout le monde. Ni d’habiles turluteurs ou turluteuses pour lancer les traditionnelles chansons à répondre.
La manipulation de toutes ces plumes donnait lieu, on peut s’en douter, à de nombreux tours amusants pour l’auditoire mais parfois embarrassants pour les victimes.
À mesure que la soirée avançait, les blagues cédaient le pas à des histoires plus troublantes qui mettaient en scène loups-garous, feux-follets et autres revenants du même genre. Ce qui avait l’art de donner la chair de poule aux plus peureux.
Heureusement, le réveillon de minuit savait toujours chasser des esprits ces personnages issus de la superstition. Plantureux comme seuls nos aïeux savaient le faire, ce festin de fin de soirée revigorait l’assemblée et lui redonnait sa joie de vivre.
Grâce à la corvée, la fermière venait de se constituer plusieurs « pochetées » de plumes qu’elle entreposait momentanément au grenier en attendant la prochaine étape, soit le retapage des matelas et des lits lors du grand ménage du printemps.
Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca