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JANVIER 2021

LES REMÈDES DE BONNE FEMME

     L’ingéniosité dont faisaient preuve nos ancêtres, il y a un siècle, ne se limitait pas au seul horizon des tâches domestiques. Elle s’étendait à toutes les facettes de la vie. Essaimés dans les milliers de rangs et de concessions qui quadrillaient la province, les gens avaient appris à suffire eux-mêmes au plus grand nombre de besoins possible.

     Ainsi, face aux indispositions, infections et maladies de toutes sortes, avaient-ils développé un arsenal de recettes et de médicaments dont l’efficacité variait évidemment de la « cure miracle » au soulagement à très long terme. C’est ce que nous appelons d’ailleurs encore aujourd’hui les « remèdes de grand-mère » ou « de bonne femme ».

     Refilées de mère en fille ou échangées lors de conversations de veillées, de corvées ou de perron d’église, ces recettes mettaient à profit des connaissances acquises de génération en génération.

     Chaque remède avait sa recette que les gens apprenaient d’habitude par cœur. Quand le mal frappait, on ne dérangeait pas le médecin. On tentait plutôt d’utiliser ces remèdes maison. Si ceux-ci s’avéraient peu efficaces, alors seulement se décidait-on à « mander le médecin ». Et cela voulait dire que le cas était plutôt grave.

Recettes de grande efficacité

     Ces médications domestiques préconisaient, la plupart du temps, l’emploi de substances fabriquées à partir de racines, d’herbes, de baies, de « sapinage », de gommes végétales qui abondaient dans l’entourage. Les fraises servaient à stopper une diarrhée. Le chiendent à faire abaisser la pression sanguine. La camomille à diminuer la fièvre. Les pissenlits aidaient à faire passer la bile, la moutarde appliquée en compresse (« mouche ») à faire décoller une bronchite, etc. Le répertoire avait l’ampleur des maux du genre humain.

     À côté de ces remèdes maison, proliféraient également les remèdes « patentés ». Il s’agissait de potions ou d’onguents fabriqués par des individus ou des entreprises et qui étaient distribués par des colporteurs itinérants qu’on appelait en langage populaire « pedlers ». Ces mystérieux personnages, en habiles propagandistes qu’ils étaient, avaient l’art de mousser les propriétés curatives des produits qu’ils vendaient. À les écouter, on aurait pu croire qu’il s’agissait d’une potion magique. Telles petites pilules rouges ranimaient les femmes faibles. Tel liniment exorcisait à jamais le rhumatisme. Tel sirop prévenait même la pire des grippes. À Montréal, une certaine dame avait même mis au point l’ultime médicament. Affublée d’un nom très sympathique (La joie du peuple), cette décoction était « infaillible en cas de faiblesse, bronches, rhumes, coqueluche, maladie de la vessie, du foie, des rognons, la pierre, la gravelle, les rhumatismes, hémorroïdes, paralysie, « rifle », et la consomption à sa première période !! »

     Malgré tant de décoctions astucieuses, cette époque de notre histoire a été marquée par de graves épidémies qui ont emporté dans leur sillage la vie de plusieurs de nos aïeux. En 1832 et 1834, le choléra fit respectivement 4 000 et 3 000 victimes chez nous. En 1918, la grippe espagnole toucha 500 000 Québécois dont 14 000 mortellement. La plus belle preuve que ces médications domestiques avaient leur limite.

Extrait de « Les coutumes de nos ancêtres », auteur Yvon Desautels,
autorisé par l’éditeur Éditions Paulines, 1984/médiaspaul www.mediaspaul.ca